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Un siècle de football à Montpellier : Histoire d’une passion héraultaise (1905-2023)

C’est au printemps 1905 que le football-association fait ses premiers pas dans la cité languedocienne, avec un certain retard par rapport à ses voisines Sète (alors appelée Cette) et Nîmes où ce sport est pratiqué depuis 1900-1901. À cette époque, deux disciplines portant quasiment le même nom coexistent en France : le football-rugby et le football-association, souvent pratiqués par les mêmes sportifs qui alternent entre ballon ovale et rond selon les week-ends.

L’Union Sportive des Étudiants Montpelliérains (USEM), déjà active dans le rugby depuis 1899, devient en avril 1905 le premier club à pratiquer officiellement le football à Montpellier, sous l’impulsion d’Iburg Lowenberg, un assistant britannique au lycée. Quelques jours auparavant, la ville avait accueilli son premier match officiel, un quart de finale du Championnat de France USFSA opposant le SOE Toulouse à l’Olympique Étoile Bleue de Marseille.

L’année 1908 marque un tournant décisif avec la création du Sport Club Montpelliérain par le Père Gustave Fabre. Ce club, affilié à la Fédération Gymnastique et Sportive des Patronages de France (FGSPF), évoluera sur les terrains vagues de l’avenue de Toulouse. Son importance est capitale dans l’histoire du football montpelliérain puisqu’en fusionnant en 1970 avec le Montpellier Littoral, il lui transmettra son numéro d’affiliation FFF (99), faisant de lui l’ancêtre direct du MHSC actuel.

La période d’avant-guerre voit fleurir une multitude de clubs dans la cité montpelliéraine : le Stade Michelet (devenu Football Club de Montpellier en 1913), le Stade Montpelliérain, le Racing Club de Montpellier, le Montpellier Sportif Université Club (MSUC), l’Étoile Sportive Montpelliéraine… On dénombrera jusqu’à 25 clubs à Montpellier avant que la Première Guerre mondiale ne suspende leurs activités.

Après la guerre, en 1919, naît le Stade Olympique Montpelliérain (SOM), club omnisport qui fusionne rapidement avec la Vie au Grand Air du Languedoc. Ce club deviendra l’un des piliers du football montpelliérain dans les décennies suivantes.

L’âge d’or du “glorieux SOM” (1920-1939)

Les années 1920 voient le football montpelliérain s’affirmer progressivement sur la scène nationale. Le SOM et le SC Montpellier participent au Championnat de la Ligue du Sud, avec des résultats encourageants. En 1920, le SOM remporte la Coupe du Médoc (Coupe du Languedoc) en battant en finale le FC Cette.

Mais c’est véritablement la période 1929-1931 qui constitue l’apogée du football montpelliérain durant la première moitié du XXe siècle. Le “glorieux SOM” connaît trois années exceptionnelles, avec comme point d’orgue la victoire en Coupe de France en 1929, suivie d’un quart de finale en 1930 et d’une nouvelle finale en 1931. Ces performances remarquables permettent au club d’entrer par la grande porte dans l’ère du football professionnel, s’imposant comme l’un des trois grands clubs du Sud-Est avec le FC Sète et l’Olympique de Marseille.

L’épopée victorieuse de 1929 reste gravée dans la mémoire collective des supporters montpelliérains. Pour atteindre la finale, le SOM élimine successivement l’US Annemasse, le SO de l’Est, le FC Mulhouse et le Stade Rennais, inscrivant un total impressionnant de 19 buts en 4 matchs. En demi-finale, les Montpelliérains triomphent de Saint-Raphaël (1-0) au terme d’un match âpre et tendu.

La finale, disputée au stade Yves du Manoir à Colombes devant 25 000 spectateurs et le Président de la République Gaston Doumergue, oppose le SOM au FC Sète. Les buts d’Auguste Kramer et d’Edmond Kramer offrent la victoire aux Montpelliérains (2-0), qui prennent ainsi leur revanche sur les Sétois qui les avaient éliminés l’année précédente.

Cette équipe victorieuse s’appuie sur des joueurs de talent, notamment les frères Kramer, tous trois internationaux suisses, et l’international yougoslave Sekoulitch, décrit par la presse de l’époque comme un “fin technicien et élégant footballeur”. La presse nationale salue alors l’avènement d’un nouveau club jouant un football plein de vivacité, d’allant et de technique.

Les années d’incertitude (1940-1970)

La Seconde Guerre mondiale et ses conséquences affectent profondément le football français et montpelliérain. Le SOM connaît des fortunes diverses pendant cette période trouble, alternant entre moments de gloire et périodes plus difficiles.

L’après-guerre voit le club naviguer entre première et deuxième division, sans parvenir à retrouver la stabilité et les succès d’antan. Les années 1950 et 1960 sont marquées par des résultats en dents de scie, des problèmes financiers récurrents et des changements fréquents de direction technique.

Cette période d’incertitude culmine en 1969, lorsque le SOM disparaît, victime de difficultés financières insurmontables. Un an plus tard, le Sport Club Montpelliérain fusionne avec le Montpellier Littoral pour donner naissance au Montpellier Littoral Sport Club (MLSC), héritant du numéro d’affiliation FFF du SCM (99). Ce club, qui prendra le nom de Montpellier La Paillade Sport Club en 1974, puis de Montpellier Hérault Sport Club en 1989, perpétue l’héritage du football montpelliérain.

La reconstruction et l’émergence d’une nouvelle génération (1970-1990)

Les années 1970 marquent le début d’une longue reconstruction du football montpelliérain. Le club, désormais installé dans le quartier de La Paillade, gravit progressivement les échelons du football français sous l’impulsion de dirigeants passionnés et ambitieux.

La saison 1982-83 constitue un tournant important dans cette reconstruction. Après les départs de nombreux cadres (Mézy, Formici, Sarramagna, Vergnes, Hopquin), l’équipe est quasiment entièrement à reconstruire. Sous la direction de Jacques Bonnet, le club mise sur un mélange d’expérience avec des recrues comme Margueritte et Zombori, et sur l’éclosion de jeunes talents issus du centre de formation.

Malgré un début de saison catastrophique (dernier après 4 journées), l’équipe se reprend et enchaîne 5 victoires consécutives. Toutefois, l’irrégularité qui caractérise la suite de la saison condamne les ambitions montpelliéraines, et le club termine à la septième place, loin de l’objectif de remontée dans l’élite.

La saison suivante (1983-84) marque véritablement l’avènement de la première “génération spontanée” issue du Centre de Formation. Aux côtés de Jean-Michel Guédé et Gérald Passi, s’affirment de nouveaux visages prometteurs : Franck Passi, Pascal Baills et un certain Laurent Blanc, futur champion du monde. Cette politique axée sur la jeunesse, sous l’impulsion de Robert Nouzaret, témoigne d’une vision à long terme qui portera ses fruits dans les années suivantes.

Cette saison-là, malgré une concurrence féroce dans un groupe de deuxième division particulièrement relevé (avec Lyon, Marseille et Nice notamment), le club termine à une honorable cinquième place. Ces résultats, bien qu’insuffisants pour retrouver l’élite, posent les jalons d’un avenir prometteur, l’éclosion simultanée de plusieurs talents issus du centre de formation constituant un véritable trésor pour le club.

L’ère moderne : de la stabilisation à la consécration (1990-2023)

Les années 1990 marquent l’entrée du club dans une nouvelle dimension. Désormais nommé Montpellier Hérault Sport Club (MHSC), le club s’installe durablement dans l’élite du football français. Sous la présidence de Louis Nicollin, personnage haut en couleur et passionné, le MHSC devient l’un des clubs les plus stables de Ligue 1.

En 1990, le club remporte son deuxième trophée majeur avec la Coupe de France, 61 ans après le premier sacre du SOM. Cette victoire symbolise la renaissance complète du football montpelliérain et ouvre une décennie de stabilité au plus haut niveau.

Les années 2000 sont marquées par quelques passages en Ligue 2, mais aussi par la consolidation des structures du club et le développement de son centre de formation, qui continue de produire des talents de premier plan.

L’apothéose de cette ère moderne survient lors de la saison 2011-2012. Sous la direction de René Girard, et porté par des joueurs comme Olivier Giroud, Younès Belhanda, Henri Bedimo ou encore le capitaine Mapou Yanga-Mbiwa, le MHSC réalise l’impensable en remportant le championnat de France, devançant le Paris Saint-Germain des stars internationales. Ce titre de champion de France, acquis lors de la dernière journée grâce à une victoire contre l’AJ Auxerre, constitue sans conteste le point culminant de l’histoire du football montpelliérain.

Depuis ce sacre historique, le MHSC s’est maintenu en Ligue 1, avec des hauts et des bas, mais toujours avec cette identité forte qui caractérise le club héraultais : un mélange de jeunes talents issus du centre de formation et de joueurs expérimentés, le tout dans une ambiance familiale chère à la famille Nicollin, qui préside toujours aux destinées du club après le décès de Louis en 2017 et la succession assurée par son fils Laurent.

L’héritage et les valeurs : l’ADN du football montpelliérain

Au-delà des trophées et des performances sportives, ce qui caractérise le football montpelliérain à travers les âges, c’est un certain état d’esprit et des valeurs qui perdurent. Du SOM des années 1920 au MHSC contemporain, on retrouve cette volonté de pratiquer un football technique et offensif, cette capacité à former et lancer des jeunes talents, et cette ambiance familiale qui fait la spécificité du club héraultais.

Le centre de formation du MHSC, l’un des plus performants de France, perpétue cette tradition en produisant régulièrement des joueurs de haut niveau qui brillent sur les scènes nationale et internationale. Des frères Passi à Laurent Blanc, de Bruno Martini à Mapou Yanga-Mbiwa, en passant par Rémy Cabella ou plus récemment Jules Koundé, nombreux sont les talents qui ont émergé de la pépinière montpelliéraine.

L’autre caractéristique du football montpelliérain, c’est ce lien unique entre le club et sa ville, entre les joueurs et les supporters. Loin des dérives mercantiles qui touchent parfois le football moderne, le MHSC a su préserver cette dimension humaine et cette proximité qui font sa force et son identité.

De l’épopée victorieuse de 1929 au titre de champion de France de 2012, en passant par les périodes plus difficiles, le football montpelliérain a traversé les époques en conservant son âme et ses valeurs. C’est sans doute là le plus bel héritage de cette histoire centenaire, qui continue de s’écrire chaque saison sur les pelouses du stade de la Mosson et dans le cœur des supporters héraultais.

Alors que le club se projette vers l’avenir avec la construction d’un nouveau stade moderne, il reste fidèle à ses racines et à cette identité forgée au fil des décennies. Une identité qui fait la fierté de toute une ville et de toute une région, et qui continuera sans doute à faire vibrer les passionnés de football pour les cent prochaines années.

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